Retour sur la mobilisation des psychologues

Le 10 juin dernier les psychologues de tous horizons professionnels ont fait entendre leur voix . Nos camarades communistes étaient là pour nous soutenir et défendre un accès aux soins psychiques pour tous.

La crise sanitaire a mis à jour les maux de notre société qui découvre entre autres l’importance des psychologues. Le gouvernement s’emploie à nier leur place en imposant un accès sous prescription médicale qui pénalise le public en limitant leur indépendance technique et en conditionnant leur exercice clinique. En effet, depuis plusieurs mois émane du gouvernement une succession de rapports et réglementations qui sous couvert de préoccupation humaniste pour la santé mentale de nos concitoyens dénigrent chaque fois davantage les psychologues et menacent de plus en plus leur pratique (rapport IGAS, remboursement à 22€la séance de 30 minutes, cahier des charges de l’ARS qui interdit les soins à certaines structures et les limite drastiquement à d’autres, plus récemment un arrêté réduisant d’une manière caricaturale les compétences des psychologues qui interviennent auprès des enfants présentant certains troubles du développement).

Ce que les psychologues dénoncent ce sont les méthodes antidémocratiques qui ignorent les organisations représentatives de la profession et la réalité des pratiques professionnelles. Nous dénonçons l’intention qui consiste à vouloir contrôler la profession, la mettre sous tutelle, la para médicaliser, l’instrumentaliser pour répondre à une idéologie et une volonté politique.

L’engagement des professionnels au service de la population, l’utilité et l’efficacité de leurs pratiques ne sont plus à démontrer depuis longtemps. Les psychologues refusent le mépris et le déni qu’on leur oppose ! Nous condamnons également l’abandon du service public et demandons la création massive de postes de psychologues dans ce secteur.

Les psychologues sont oubliés, délibérément écartés du Ségur dans la FPH (aucune revalorisation des grilles de salaire n’est prévue, le très faible passage en hors classe bloque le déroulement des carrières ; la précarisation des emplois ne fait qu’augmenter ; la profession de psychologue hospitalier est ainsi clairement dénigrée, sans cesse humiliée au profit des médecins (denrée rare et précieuse).

Mais au fait c’est quoi un psychologue ? Le psychologue clinicien est un professionnel qui a validé un master 2 en psychologie, soit un bac +5. A ceci s’ajoute une conditionnalité dans le choix du master et des stages car tout psychologue en titre n’a pas vocation à être au chevet du patient. Bon nombre des facultés ont considéré que la maitrise devait être faite en deux ans en raison des objectifs professionnels à atteindre. Ceci prolonge donc à 6 ans la durée des études, comme pour certaines professions médicales.

En licence 1, les universités ont souvent plus de 1000 étudiants. En général, ces mêmes universités n’ont que deux ou trois Masters professionnalisants qui destinent l’étudiant vers la voie psychopathologie, développementale ou neuropsychologique. Sur 1000 étudiants, seuls 60 à 90 seront des « cliniciens » au sens très large du terme. Il y a donc une sélection réelle et exigeante dont le numerus clausus n’est pas sans rappeler le concours de première année en médecine à la différence près que le couperet n’est pas à l’entrée du parcours mais en cours d’un cursus déjà bien entamé.

Cette formation recouvre moult domaines et n’est pas essentiellement littéraire. Le psychologue est formé à la rigueur de la démarche scientifique qui doit être aussi rompu aux statistiques pour s’appuyer sur les publications qui jalonnent les recherches, notamment en sciences cognitives et en neurosciences (neuroanatomie et imagerie, neurophysiologie, pharmacologie, neuropsychologie…). Il est tout aussi formé à la psychopathologie et la démarche diagnostique, qu’à la rigoureuse pratique du bilan. Il est formé à la psychologie sociale et à la psychologie du développement pour saisir le sujet au contact des groupes sociaux et dans le temps. Enfin, il est aussi formé à l’épistémologie, à l’anthropologie, à la philosophie car « sciences sans conscience n’est que ruine de l’âme » comme le scandait Rabelais. Ainsi le psychologue est-il garant de l’intégrité du Sujet dans un parcours de soin où le focus se concentre toujours un peu plus sur l’organe et l’organique. Le psychologue est le trait d’union entre le monde médico-scientifique et le patient.

En institution, le psychologue clinicien est très souvent un cadre A, un cadre statutaire. Ainsi le psychologue clinicien ne saurait être sous l’autorité du Cadre de Santé avec lequel il collabore. Il n’est pas davantage sous l’autorité du médecin dont il est un des partenaires. Le psychologue dépend directement de la Direction des établissements. Cette autonomie du psychologue est garante d’une posture essentielle à son travail, d’être à la croisée de multiples champs expérientiels, et être vecteur du discours du patient sans subordonner le patient à sa propre subordination professionnelle. Cette place du psychologue, plutôt atypique, est aussi ce qui l’émancipe de la médecine (il n’est pas un paramédical), et aussi de la philosophie (laquelle n’est pas une science). C’est un professionnel des SHS qui exerce très souvent dans le domaine de la santé.

Le psychologue clinicien est un acteur essentiel du parcours de soins pour de nombreux patients. Sans psychologue, la question diagnostic demeure floue. Or dans de très nombreuses problématiques il est le seul à être formé et habilité à la passation de certains tests, lesquels sont essentiels aux équipes soignantes, y compris au médecin, ainsi qu’aux patients pour obtenir les aides nécessaires.

Sans psychologue, pas de psychothérapie maîtrisée autre que sauvage.

Psychologue clinicien n’est ni une profession médicale, ni une profession paramédicale, ni une profession administrative. Aussi, quand les médicaux ont été valorisés alors qu’ils sont notre équivalent sur les organigrammes, nous ne l’avons point été car nous ne sommes pas médicaux. Quand les Cadres de Santé ont été augmentés, nous ne l’avons pas été car nous ne sommes que statutaires. Quand les paramédicaux ont été revalorisés, nous ne l’avons pas été car nous ne sommes pas paramédicaux. A chaque fois, notre profession ne rentre pas dans la bonne case. Tandis que toutes les professions voient leurs situations professionnelles évoluer, une chose est sûre : les psychologues, sans cesse, passent à la trappe ! Leur salaire n’a pas évolué depuis 1991 dans l’ensemble des conventions collectives les concernant. Jusqu’au Ségur de la santé, un psychologue hospitalier démarrait à 1400 euros nets. Dans privé, la situation n’est pas plus réjouissante. Le psychologue qui est pourtant l’un des agents les plus qualifiés exerçant à l’hôpital, est le moins bien payé à niveau d’études équivalent (et moindre…).

Nous demandons le retrait de l’ensemble des projets et mesures annoncées, nous demandons l’accès libre aux psychologues dont la consultation doit être remboursée par la sécurité sociale et nous exigeons le respect de la loi de 1985 soit le respect de l’autonomie des psychologues et de la pluralité de leurs méthodes et pratiques, nous exigeons la reconnaissance de leur éthique et de leur déontologie élaborée par vingt-et-une organisations ou syndicats de psychologue dans un code qui est régulièrement réactualisé nous rejetons la proposition de loi de quelques députés en vue de créer un ordre des psychologues qui participeraient à leur disqualification et mise sous tutelle. Aujourd’hui, 20 jours après cette mobilisation les réponses du gouvernement se font attendre, la raison en est peut être que le ministre de la Santé croit apparemment ne pas avoir oublié les psychologues dans le Ségur.