1973/2023 : 50 ans d’oubli organisé

Le 11 septembre 1973, le dictateur Pinochet renverse le président socialiste Allende. Le rêve est brisé.

Les plaies sont toujours ouvertes pour les familles et les proches des disparu(e)s. Sévices jusqu’à la mort, exécutions sommaires, disparitions et exil forcé sont à mettre à l’actif du bourreau jamais repenti.

Rien ne devait rester de l’UP (Union Populaire), de la soif de justice sociale et d’émancipation de la tutelle étrangère. Considérée comme une menace aux yeux de l’oligarchie, de la droite et des États Unis, Kissinger et Nixon financeront sans compter la guerre économique et politique avec entre autres ses Chicago Boys, formés à l’école monétariste de Milton Friedman.

Jamais les Américains n’ont eu à répondre de ce soutien actif au putsch et à ses conséquences. Pinochet non plus, lui qui a maté dans le sang ses opposants et dont les crimes restent toujours à ce jour impunis.

Les États Unis ont contribué activement à imposer un libéralisme débridé et prédateur gravé dans la Constitution toujours en vigueur.

Cet « héritage » a été rejeté lors de l’exemplaire rébellion sociale en 2019 dont le point de départ était l’augmentation du ticket de métro.

Le gouvernement de droite est renversé.

L’arrivée d’une gauche issue des mouvements sociaux n’a pas pansé les blessures. Le travail mémoriel ne reposant que sur les survivants, les familles des victimes, les organisations défenseurs des droits de l’homme et des formations politiques – à commencer par le parti communiste du Chili – qui ont payé un lourd tribut à la dictature et sa répression, la tentation du retour en arrière est grande.

36 % des Chiliens pensent que les militaires ont eu raison de « passer à l’acte » en 1973.

Les « nostalgiques » de Pinochet sont aujourd’hui majoritaires à l’Assemblée constituante.

L’amnésie est organisée jusque dans les manuels scolaires, la peur du rouge est agitée à grand renfort par des médias ultraconcentrés, ajouté à cela la tiédeur des réformes de l’exécutif, un boulevard est offert à la droite et l’extrême droite.

L’amnésie est mondiale : aucune évocation internationale le 11 septembre dernier.

Commémorer cette séquence socialiste dans le respect de la démocratie qui aura duré 3 ans, c’est rendre hommage et justice aux 30 000 torturé(e)s, aux 1 100 disparu(e)s, à Allende, à Pablo Néruda, communiste et prix Nobel de littérature, au chanteur Victor Jara, troubadour martyr et figure révolutionnaire. C’est lutter contre la répétition d’une histoire sanglante.

« Nous ne pleurons pas Allende, nous saluons son rêve d’un Chili pour tous » : Daniel Jadue, maire communiste de Recoleta.

Corine POSTAL