Les Alsaciens peu enthousiastes pour quitter la région Grand Est

La Région Grand Est est née incognito du mariage forcé entre l’Alsace, la Champagne-Ardenne et la Lorraine sous le mandat de Hollande, sans que l’on sache réellement où était l’intérêt d’une telle fusion ! Le TER, les lycées, le développement économique, la formation sont donc gérés, depuis 2016, à partir de Strasbourg pour ce gros territoire deux fois plus grand que la Belgique.
Ce mariage aura coûté cher en perte de temps pour le développement des 3 ex-régions : il a pris plus de 4 années pour se mettre en œuvre (et ce n’est pas vraiment fini), avec des conventions et contrats, précédemment signés à Châlons, Metz et Strasbourg, forts différents, 3 budgets pas forcément compatibles, une mise en cohérence des différents dispositifs d’intervention, une mise en difficultés de nombreuses structures, particulièrement associatives, avec l’arrêt de certaines interventions, 7500 salariés de la Région qui ont été énormément bousculés, l’achat d’une douzaine de maisons décentralisées pour essayer de rapprocher la Région et les territoires, l’établissement de nouveaux schémas régionaux dans de nombreux domaines (économique, territorial, de gestion des déchets…). Tout ce temps passé a donc coûté très cher en inertie pour nos territoires, alors que les régions non fusionnées (Bretagne, Île de France, …) continuaient tranquillement à se développer.
Certes, avec ce mariage forcé, cette collectivité importante pour le quotidien de la population s’est encore un peu plus éloignée qu’elle ne l’était auparavant. Pourtant, les populations concernées n’ont pas beaucoup fait part de leur émotion face à cette décision de fusion. Par contre, certains élus locaux en mal de puissance se sont vus déposséder de certaines compétences. De ce point de vue, les élus alsaciens, particulièrement ceux de droite et d’extrême-droite, voudraient bien voir regonfler le budget public qu’ils gèrent. C’est ainsi qu’ils viennent de lancer une consultation publique de la population alsacienne en vue d’exiger un retour de la Région Alsace.
Mal leur en a pris : après 2 mois qu’aura duré cette consultation pour la « modique » somme de près de 250 000€, les citoyens alsaciens viennent de montrer qu’ils se sentaient bien peu concernés par le sujet : seulement environ 10% de l’électorat alsacien s’est prononcé pour un retour à la Région Alsace.
Pourtant, la création de la CEA (Collectivité Unique d’Alsace), installée en janvier 2021, instaurant une collectivité qui a les dimensions de l’ex-région Alsace, avec le maintien des deux préfectures alsaciennes (donc des deux départements), et avec l’étrange accord actif de la majorité de la Région Grand Est, aura bien été le premier grand pas vers une dislocation du Grand Est. Le gouvernement macronien lui-même n’hésite pas à en rajouter régulièrement dans la reconnaissance de cette Région bis (encore récemment dans le domaine du sport).
On peut penser que la population alsacienne a, mieux que certains des élus locaux, bien compris que, remettre la Région Grand Est en cause dès maintenant, reviendrait à une énième réorganisation territoriale qui durerait encore plusieurs années, et qui serait à nouveau très préjudiciable pour nos territoires.
Même si on peut penser que ces fusions étranges doivent être remises en cause un jour, il faut laisser respirer nos territoires. Sauf à les étouffer encore un peu plus, cela nécessiterait un délai qui ne peut pas être si court. En tout cas, il n’est pas souhaitable que cela se fasse maintenant.
Patrick Tassin